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MoEDAL axe ses recherches sur les monopôles magnétiques

Les dernières recherches menées par l'expérience MoEDAL auprès du Grand collisionneur de hadrons réduisent considérablement les champs théoriques dans lesquels la quête des monopôles magnétiques peut se poursuivre

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MoEDAL,360
Le détecteur MoEDAL (Image : CERN)

Le physicien Joseph Polchinski, aujourd'hui décédé, a affirmé un jour que l’existence des monopôles magnétiques était« un des paris les plus sûrs que l'on puisse faire sur une physique qui n'a pas encore été observée ». Dans la quête de ces particules présentant une charge magnétique et prédites par plusieurs théories au-delà du Modèle standard, la collaboration MoEDAL auprès du Grand collisionneur de hadrons (LHC) n'a pas encore donné raison au physicien ; toutefois, les derniers résultats obtenus par l’expérience représentent une avancée significative. Présentés dans deux articles publiés sur le serveur arXiv, ces résultats réduisent considérablement la fenêtre de recherche pour ces particules hypothétiques.

Au LHC, des paires de monopôles magnétiques pourraient être produites lors de collisions entre protons ou entre ions lourds. Dans les collisions entre protons, elles pourraient se former à partir d'un seul photon virtuel (mécanisme de Drell-Yan) ou de la fusion de deux photons virtuels (mécanisme de fusion de photons). Des paires de monopôles magnétiques pourraient également être produites à partir du vide dans les champs magnétiques très intenses créés lors de quasi-collisions entre ions lourds, grâce à un processus appelé « mécanisme de Schwinger ».

Depuis qu’elle a commencé à collecter des données en 2012, l’expérience MoEDAL a réalisé plusieurs premières, notamment rechercher pour la première fois au LHC des monopôles magnétiques produits au moyen du mécanisme de fusion de photons et du mécanisme de Schwinger. Dans la première de ses études les plus récentes, la collaboration MoEDAL a recherché des monopôles et des objets à haute charge électrique (HECO) produits au moyen des mécanismes de Drell-Yan et de fusion de photons. Cette recherche reposait sur les données issues des collisions proton-proton de la deuxième période d’exploitation du LHC, en utilisant pour la première fois le détecteur MoEDAL complet.

Le détecteur complet comprend deux systèmes principaux sensibles aux monopôles magnétiques, aux objets à haute charge électrique, ainsi qu’à d'autres particules hypothétiques fortement ionisantes. Le premier système enregistre en permanence les traces de monopôles magnétiques et d’objets à haute charge électrique, sans signaux de bruit de fond provenant des particules du Modèle standard. Ces traces sont mesurées à l'aide de microscopes à balayage optique auprès de l’Institut de physique nucléaire (INFN) de Bologne. Le second système est constitué d'environ une tonne de volumes de piégeage conçus pour piéger les monopôles magnétiques. Ces volumes de piégeage – qui font de MoEDAL la seule expérience avec collisionneur du monde capable d'identifier directement et avec certitude la charge magnétique des monopôles magnétiques – sont analysés à l’École polytechnique fédérale (ETH) de Zurich à l'aide d'un type spécial de magnétomètre, appelé SQUID, à la recherche d’éventuels monopôles piégés. 

Dans sa dernière analyse des volumes de piégeage, l'équipe MoEDAL n'a trouvé ni monopôle magnétique ni objet à haute charge électrique. Elle fixe toutefois des limites à la masse et au taux de production de ces particules pour différentes valeurs de spin, forme intrinsèque d’un moment cinétique. Pour les monopôles magnétiques, les limites de masse ont été fixées pour des charges magnétiques d’une à dix fois l'unité fondamentale de la charge magnétique – la charge de Dirac (gD) ; l'existence de monopôles ayant une masse aussi élevée que 3,9 milliers de milliards d'électronvolts (TeV) environ a été exclue. Quant aux objets à haute charge électrique, les limites de masse ont été établies pour des charges électriques comprises entre 5e et 350e, « e » étant la charge de l’électron ; l'existence d’objets à haute charge électrique ayant une masse allant jusqu'à 3,4 TeV a été écartée.

« La portée de MoEDAL dans sa quête de monopôles et d’objets à haute charge électrique permet à la collaboration de sonder une grande partie du « champ de découverte » théorique de ces particules hypothétiques », explique James Pinfold, porte-parole de MoEDAL.

Dans la deuxième de ses études les plus récentes, l’équipe MoEDAL a recherché des monopôles produits par le mécanisme de Schwinger dans les données issues de collisions d'ions lourds prises lors de la première période d’exploitation du LHC. Lors d’une expérience unique en son genre pour rechercher des monopôles piégés, elle a analysé une section inutilisée du tube de faisceau de l'expérience CMS, au lieu des volumes de piégeage du détecteur MoEDAL. Une fois de plus, l'équipe n'a trouvé aucun monopôle, mais elle a fixé les limites de masse les plus strictes à ce jour pour les monopôles de Schwinger ayant une charge comprise entre 2gD et 45gD, excluant l'existence de monopôles ayant une masse allant jusqu'à 80 GeV. 

« L'importance vitale du mécanisme de Schwinger réside dans le fait que la production de monopôles composites n’est pas atténuée par rapport à celle de monopôles élémentaires, comme c'est le cas avec les mécanismes de Drell-Yan et de fusion de photons, explique James Pinfold. Ainsi, si les monopôles sont des particules composites, la présente recherche et la précédente pour des monopôles produits via le mécanisme de Schwinger ont été les toutes premières occasions de les observer ».

Le détecteur MoEDAL sera prochainement complété par le MoEDAL Apparatus for Penetrating Particles, MAPP en abrégé, qui permettra à l'expérience d’élargir encore le champ des recherches pour de nouvelles particules.