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SHiP lève l’ancre pour explorer le secteur caché

L’expérience est conçue pour détecter les particules interagissant très faiblement parmi lesquelles des candidates à la matière noire

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Computer image of the SHiP experiment set-up.

Plan de l’expérience SHiP, avec la cible à gauche. (Image : SHiP/CERN)

La collaboration SHiP (Search for Hidden Particles) s’est retrouvée pour sa réunion annuelle dans une atmosphère enthousiaste cette semaine. Son projet de développer un grand détecteur et sa cible pour être installés dans un hall souterrain du complexe d’accélérateurs vient d’être accepté par la Commission de la recherche du CERN. SHiP prévoit de prendre le large en 2031 pour explorer « le secteur caché » : les scientifiques espèrent capturer des particules interagissant très faiblement avec la matière ordinaire, si faiblement qu’elles n’auraient pas encore été détectées.

Dans cette faune de particules hypothétiques, on trouve les photons sombres, les axions ou particules de type axions, des leptons neutres lourds et d’autres encore. Ces particules, qui pourraient faire partie des particules de matière noire, sont prédites par plusieurs modèles théoriques, qui sont des extensions du Modèle standard, la théorie actuelle qui décrit les particules élémentaires et les forces qui les relient.

Bien que très solide, le Modèle standard n’explique en effet pas certains phénomènes. Les particules prédites par ce modèle, autrement dit la matière ordinaire que nous connaissons, ne représentent que 5 % de l’Univers. Tout le reste serait de la matière et de l’énergie inconnues, que les scientifiques ont appelé matière et énergie noires. On peut observer leurs effets dans l’Univers, mais leur nature reste un mystère qu’un nombre grandissant d’expériences tentent de percer.

C’est là qu’intervient SHiP avec une idée simple : plus on produit de particules, plus on a de chance de trouver des particules interagissant faiblement. Un faisceau de protons à haute intensité issu du Supersynchrotron à protons frappera une cible, un gros bloc de métal, produisant une foule de particules, parmi lesquelles les scientifiques espèrent trouver des particules du secteur caché. Grâce à l’intensité très élevée du faisceau, SHiP sera plus sensible que les expériences existantes.

Les détecteurs de SHiP sont placés à plusieurs dizaines de mètres de la cible afin de détecter les particules qui ont une durée de vie relativement longue et d’éliminer le « bruit de fond », autrement dit les particules, comme les muons, qui pourraient gêner leur détection. L’expérience est ainsi dotée d’un système magnétique qui dévie le flux de muons et d’une grande enceinte de 50 mètres de long dans laquelle les particules recherchées pourraient se désintégrer en particules connues.

L’expérience est donc complémentaire des grandes expériences du LHC, dont les détecteurs entourent le point de collision et ne peuvent pas étudier les particules à faible interaction qui filent sur plusieurs dizaines de mètres avant de se transformer. Les modèles théoriques prédisent en effet que la durée de vie de ces particules est d’autant plus longue que leur masse et leur couplage (autrement dit l’intensité de l’interaction) est faible. SHiP sera donc sensible aux particules avec des masses relativement faibles.

Au cours de leur voyage dans le détecteur, ces particules pourraient soit se désintégrer en particules connues, soit percuter un atome de matière ordinaire, ce qui produirait aussi des particules. Les détecteurs de SHiP sont conçus pour déceler leurs signaux.

En dehors des hypothétiques particules de matière noire, SHiP étudiera les neutrinos, des particules connues du Modèle standard, mais qui sont difficiles à intercepter et recèlent encore beaucoup de mystères.

La cible et l’expérience seront installées dans un hall souterrain existant du CERN, alimenté par une ligne de faisceau du SPS, le deuxième plus grand accélérateur du CERN, qui alimente plusieurs expériences et pré-accélère les particules pour le LHC.

La cible est un dispositif complexe, qui ressemble davantage à un arrêt de faisceau qu’à une cible fixe classique. À l’étude depuis plusieurs années, il s’agit un bloc de 1,5 mètre d’épaisseur, constitué de plusieurs métaux afin de produire les particules spécifiques dont SHiP a besoin, et doté d’un système de refroidissement et de blindage.

Experiments and Collaborations,Accelerators
Une partie de la collaboration SHiP lors de sa réunion annuelle qui s’est tenue cette semaine au CERN. (Image: Marina Cavazza/CERN)