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CLOUD remet en question ce que l'on sait actuellement de la formation des aérosols dans les régions polaires et marines

D'après ces résultats, les modèles climatiques sous-estiment les taux de formation de particules d'aérosol

Shows the CLOUD experiment

L’expérience CLOUD du CERN (Image : CERN)

Les aérosols atmosphériques (fines particules en suspension) ont un fort effet de refroidissement net sur le climat car ils rendent les nuages plus brillants et plus étendus, de sorte que ceux-ci réfléchissent davantage la lumière du Soleil vers l'espace. On ne comprend toutefois pas encore très bien comment se forment les aérosols dans l'atmosphère, en particulier dans les régions polaires et marines. La principale vapeur à l'origine de la formation de ces particules serait l'acide sulfurique, stabilisé par l'ammoniac. Les régions polaires et marines étant toutefois souvent pauvres en ammoniac, les modèles ont tendance à sous-estimer la quantité d'aérosols dans ces régions.

Une nouvelle étude de la collaboration CLOUD remet en question ces éléments, en montrant que les oxoacides d'iode agissent en synergie avec l'acide sulfurique, ce qui augmente considérablement les taux de formation des particules. Les nouveaux résultats, décrits dans un article paru dans la revue Science, s'appuient sur des études antérieures de l'expérience qui ont montré que les oxoacides d'iode forment rapidement des particules, même en l'absence totale d'acide sulfurique. Ils donnent à penser que les modèles climatiques sous-estiment considérablement les taux de formation des particules d'aérosols dans les régions marines et polaires.

« Nos résultats montrent que les modèles climatiques doivent prendre en compte les oxoacides d'iode ainsi que l'acide sulfurique et d'autres vapeurs, souligne Jasper Kirkby, porte-parole de CLOUD. Ceci est particulièrement important dans les régions polaires, qui sont très sensibles aux petits changements dans les particules d'aérosols et les nuages. Dans ces régions, les particules d'aérosol ont en fait un effet de réchauffement, parce qu’elles absorbent les rayons infrarouges qui, autrement, se perdent dans l'espace, puis les renvoient à la surface de la Terre. »

L'expérience CLOUD étudie la formation et la croissance des aérosols à partir de mélanges de vapeurs dans les conditions atmosphériques, à l’intérieur d'une grande enceinte. Elle se distingue des expériences précédentes par la très faible présence de contaminants et par une maîtrise précise de tous les paramètres expérimentaux permettant de refléter les conditions rencontrées dans l'atmosphère réelle. En particulier, elle utilise un faisceau de particules du CERN pour simuler les ions formés par les rayons cosmiques galactiques à n'importe quelle altitude dans la troposphère.

Les nouveaux résultats de CLOUD montrent que les oxoacides d'iode augmentent considérablement le taux de formation des particules d'acide sulfurique. Aux concentrations d'oxoacide d'iode typiques des régions marines et polaires – soit dans une proportion comprise entre 0,1 et 5 par rapport à l'acide sulfurique – les mesures de CLOUD montrent que le taux de formation des particules d'acide sulfurique est de 10 à 10 000 fois plus élevé que les valeurs des estimations précédentes.

L'équipe CLOUD a constaté que cette augmentation est due à deux effets : premièrement, l'acide iodeux remplace l'ammoniac pour stabiliser les particules d'acide sulfurique nouvellement formées, les empêchant de s'évaporer et, deuxièmement, l'acide iodique facilite la formation d’agrégats d'acide sulfurique chargés. Grâce à la chimie quantique, la collaboration a confirmé la synergie entre les oxoacides d'iode et l'acide sulfurique ; les taux de formation de particules calculés sont proches de ceux mesurés.

« Ces 70 dernières années, les émissions mondiales d'iode marin ont triplé du fait de l'amincissement de la glace marine et de l'augmentation des concentrations d'ozone, et cette tendance devrait se poursuivre,explique Jasper Kirkby. L'augmentation dans les zones marines des particules d'aérosols et des nuages qui en découle, comme le montrent nos résultats, aura créé une rétroaction positive qui accélère la perte de glace marine dans les régions polaires, tout en introduisant simultanément un effet de refroidissement à des latitudes plus basses. La prochaine génération de modèles climatiques devra prendre en compte les vapeurs d'iode. »